Les 4 et 5 juin 1996, le professeur John Fagan s'exprimait à Paris puis à Genève dans le cadre d'une tournée européenne organisée par le Parti de la Loi Naturelle pour informer le public des graves dangers associés à l'arrivée imminente sur le marché d'aliments modifiés génétiquement. Une menace potentiellement très grave pour la santé publique, même si la plupart des gens sont encore très mal informés sur la question.
Qu'est-ce que le génie génétique ?
Les gènes forment la structure fondamentale de chaque partie d'un organisme. Une modification génétique, c'est le fait de transférer artificiellement l'information fondamentale typique à une sorte d'organisme à un autre organisme. Par exemple, des laboratoires ont transféré des gènes d'un poisson résistant au gel à des pommes de terre, dans le but de rendre ces dernières plus résistantes au gel. C'est en effet pour transférer d'un organisme à un autre des qualités désirables que les scientifiques développent ces manipulations.
D'autres applications du génie génétique concernent, pour l'homme, différentes maladies génétiques que l'on pourrait théoriquement soigner en manipulant les gènes du patient. La campagne menée par le Dr. Fagan vise avant tout l'interdiction des aliments modifiés génétiquement mais attire l'attention sur les dangers et les problèmes éthiques posés par le génie génétique en général.
Une technologie inutile et dangereuse
Le Dr. Fagan ne demande pas une interdiction absolue de la recherche génétique : il est conscient des applications médicales possibles, mais il considère que les dangers associés au technologies génétiques dépassent de loin les avantages théoriques, et il demande par conséquent un moratoire de 50 ans pour ce domaine. Il considère également, nous le verrons plus loin, qu'il existe des technologies alternatives sans danger et bien plus prometteuses qui rendent la recherche génétique inutile.
Motifs financiers avant tout
En ce qui concerne la nourriture, le Dr. Fagan montre clairement que les motifs derrière les modifications génétiques sont principalement financiers et politiques. Ils sont sans rapport avec la santé et l'alimentation - il est clair que suffisamment de nourriture parfaitement satisfaisante peut être produite sans devoir créer en laboratoire des aliments que la nature n'a jamais envisagés.
Quels sont les dangers principaux ?
Les dangers potentiels, insiste le Dr. Fagan, sont énormes. Les structures génétiques existantes ont évoluées sur des millions d'années et forment un écosystème interconnecté infiniment complexe. Personne ne peut savoir quels peuvent être les effets à court ou à long terme de la modification de la structure fondamentale de la Loi naturelle par l'homme. Actuellement, les scientifiques impliqués dans le génie génétique perturbent l'équilibre délicat de la nature en créant des changements qui ne pourraient pas avoir lieu naturellement.
Ceci a lieu très rapidement, sans se préoccuper des conséquences possibles. L'enthousiasme - voire la naïveté pour certains - propre au milieu scientifique, affirme le Dr. Fagan, empêche les chercheurs de placer leurs efforts dans un contexte plus global et d'en réaliser véritablement les implications. De plus, les promesses financières sont colossales...
Mutations imprévisibles dans la structure génétique du vivant
Le code génétique est extrêmement complexe, même chez des organismes très simples comme des bactéries. De ce fait, personne ne peut prétendre être à même de prédire les effets de l'introduction de nouveaux gènes dans un organisme ou une plante, ni les effets possibles sur la santé de la personne qui les absorbera. Le Dr. Fagan compare les risques d'une modification au fait de lancer une pierre à travers la fenêtre d'un musé : la pierre peut par chance tomber sur un fauteuil et ne faire aucun dégat, mais elle a bien davantage de chance de briser irrémédiablement une oeuvre d'art de grande valeur.
Le professeur Fagan remarque entre autres que :
Les transferts génétiques d'une espèce à l'autre sont contre nature et dangereux
Les manipulations génétiques ne peuvent pas, comme l'industrie biotechnologique ou certains scientifiques aimeraient le faire croire, être assimilées aux sélections que l'on fait depuis longtemps pour améliorer la qualité des plantes ou du bétail. Ces sélections se limitent à favoriser ce que la nature permet. Les transferts actuels de gènes d'une espèce à l'autre, par contre, sont résolument contre nature. Des transferts ont lieu entre cochons et plantes, entre poissons et tomates. Ces derniers ne pourralent pas avoir lieu naturellement et leurs conséquences sont inconnues.
De tels transferts pourraient permettre à des maladies et faiblesses de passer d'une espèce à l'autre et déboucher sur des résultats aussi désastreux que la maladie de la vache folle, transmise à l'homme à cause d'une autre pratique contre nature adoptée pour des raisons purement économiques : nourrir des ruminants herbivores avec des farines animales. La mise sur le marché d'aliments transgéniques comporte donc de nombreux risques, et le consommateur est ici le cobaye.
Nature irréversible des manipulations génétiques
La pollution biologique est peut-être le plus grand danger des manipulations génétiques. On crée en laboratoire de nouveaux organismes, des bactéries et des virus dont on ne peut connaître les effets à long terme sur l'environnement et sur l'être humain. Ces organismes peuvent se répandre sur la terre entière et ne pourront jamais être éliminés. On peut «nettoyer» la pollution pétrolière ou chimique, et même nucléaire. Mais alors qu'on peut «rappeler» en usine une automobile défectueuse, on ne pourra jamais rappeler en laboratoire une bactérie ou un poisson modifié génétiquement. Par nature, les organismes vivants se reproduisent et se répandent partout.
Les multinationales de la biotechnologie affirment bien sûr que leurs méthodes sont sûres, précises et sophistiquées. Mais le génie génétique n'est pas une science exacte et il y a de nombreuses inconnues dans les méthodes expérimentales d'insertion de gènes. Rien dans la vie n'est sans effet, et des effets secondaires ainsi que des accidents sont inévitables. Le génie génétique ouvre donc la porte à des bouleversements désastreux dans l'écosystème.
Le Dr. Fagan donne l'exemple de saumons modifiés pour devenir beaucoup plus gros, pour des raisons économiques évidentes. Ces saumons, auxquels on a ajouté un gène d'hormone de croissance supplémentaire, peuvent devenir de trois à quinze fois plus gros que normal, mais peuvent développer des faiblesses imprévisibles : coeur, respiration, etc. En essayant d'améliorer un aspect, la taille, on endommage d'autres aspects. Faudra-t-il alors les modifier encore pour pallier à ces effets secondaires ? Lâchés dans l'environnement, un poisson monstrueux pourrait commencer à se nourrir d'espèces auparavant trop grosses pour lui, et ne pourrait plus être la proie de ses prédateurs habituels, d'ou bouleversement potentiellement dangereux d'un équilibre naturel établi sur des millions d'années. En altérant les caractéristiques d'une espèce, nous introduisons en fait une nouvelle espèce dans l'environnement. Et lorsque l'introduction de ces saumons souvent débilités, qui bien sûr se reproduisent, aura fait suffisamment de dégâts, pourra-t-on les éliminer ? Bien sûr que non.
De plus, les instituts de recherche qui développent ces produits ne peuvent complètement les contenir même s'ils le désirent : des graines de plantes modifiées peuvent être emportées et répandues très rapidement et très loin par le vent ou par les oiseaux. De ce fait, personne ni aucun pays ne peut se protéger des dangers du génie génétique.
Les graves dangers d'aliments contre nature
Notre nourriture provient de la nature. Si nous changeons la structure fondamentale d'un aliment, cela pourrait créer toutes sortes de maladies, comme cela a été le cas dans le passé avec l'introduction des pesticides. Selon les tenants de la biotechnologie, les aliments transgéniques ne sont pas plus dangereux que tout autre aliment. Mals l'expérience a montré que les modifications génétiques introduisent dans des aliments qui ont toulours été sains et sans risques de nouveaux allergènes et de nouvelles toxines.
Aux Etats-Unis, un complément alimentaire contenant du tryptophan modifié génétiquement a causé la mort de 37 personnes et en a handicapé 1500 à vie. Dans un autre cas, du soja modifié génétiquement a causé des allergies et a du être abandonné. A mesure que de tels aliments modifiés sont introduits à large échelle sur le marché, il est inévitable que de nouveaux accidents aient lieu, alors que la structure génétique naturelle des plantes nourrit l'homme sans risques depuis des millions d'années.
D'un point de vue scientifique comme d'un point de vue éthique, la modification rapide et irréversible de la structure génétique d'un grand nombre d'aliments ne peut aller sans menacer la vie de grands dangers. Nous savons que des maladies ont leur origine dans de minuscules imperfections infligés au code génétique. C'est pourquoi le génie génétique promet aussi, un peu naïvement selon le Dr. Fagan, de guérir différentes maladies. Mais selon ce principe, on comprend comment les modifications effectuées en ce moment sur les aliments peuvent déclencher dans les organismes modifiés, puis chez les humains qui les mangent, des modifications potentiellement très dangereuses dans la structure génétique.
Problèmes éthiques
En tant que généticien, le Dr. Fagan tente de faire comprendre au public et aux autorités les dangers en question d'un point de vue purement scientitique et objectf. Et les données objectives ne manquent pas. Mais il est clair que l'éthique impose également une grande méfiance face au génie génétique. Est-il moral de modifier la structure fondamentale de la nature ? L'homme, sur la base de son intelligence limitée, peut-il impunément jouer avec la structure fondamentale de la Loi naturelle, gouvernée par une intelligence parfaite et illimitée? Telles sont les questions de base.
Plus précisément, la mise sur le marché d'aliments transgéniques pose des problèmes éthiques qui touchent directement différents groupes religieux, ainsi que les défenseurs des animaux, et les végétariens dont le nombre augmente régulièment.
Pour la majorité des scientifiques contemporrains, il n'y a aucune différence entre l'ADN d'une plante et celle d'un animal, et le fait de transtérer chez des plantes des molécules d'ADN animales ne pose aucun problème éthique. Le problème est bien sûr plus complexe. La structure génétique d'un animal ou d'une plante forme un tout harmonieux et unique qu'on ne peut concevoir seulement en termes de parties interchangeables : le tout est bien davantage que la somme des parties.
Une consommation accrue de pesticides
Autre problème lié aux cultures modifiées génétiquement : les pesticides. Il est possible de modifier une plante pour la rendre résistante à tel ou tel pesticide. Résultat : on peut répandre trois à quatre fois plus de pesticides sur ces cultures sans les tuer. Pesticides qui finissent dans notre organisme, dans le sol et dans nos réserves d'eau potable, avec les conséquences que nous connaissons bien.
Ce problème révèle l'hypocrisie des géants de la biotechnologie.
Le génie génétique est tout d'abord vanté comme un moyen sûr de nourrir davantage de monde ("les récoltes peuvent être plus abondantes") et de respecter mieux l'environnement ("les plantes modifées peuvent être plus résistantes aux insectes"). Puis l'industrie développe par exemple du soja modifié pour résister aux dommages que créent les pesticides qu'elle produit, ce qui permet une consommation accrue de ces pesticides et fait augmenter les ventes. C'est ce qu'a fait la firme américaine Monsanto, qui cultive actuellement du soja résistant à son produit le mieux vendu, Round Up. La firme pourra ainsi convaincre les agriculteurs d'acheter ses graines de soja modifiées et aussi le pesticide auquel elles résistent, avec la promesse de récoltes abondantes!
Ce soja a récemment été agréé par la communauté européenne, et devrait donc bientôt se trouver sur le marché européen. Inquiétant, lorsqu'on sait que le soja entre dans la composition de 60% des produits sur le marché...
Et les animaux ?
Comme nous l'avons vu plus haut avec les saumons, les animaux aussi sont actuellement modifiés génétiquement pour accroitre la production et les profits. Des saumons ont été modifiés pour grandir davantage. Des vaches et des chèvres ont été modifiées pour produire certaines substances spécifiques... Ces animaux souffrent. Ils sont maladifs, ont une vie plus courte, et fournissent évidemrnent une nourriture de qualité inférieure.
Une menace pour les réserves alimentaires de l'humanité
Autre facette inquiétante de la question : certaines multinationales occidentales s'emparent des compagnies céréalières des pays en voie de développement pour vendre les graines modifiées génétiquement, compromettant ainsi la biodiversité des cultures par la perte des souches traditionnelles. Ces mêmes multinationales, qui contrôlent déjà de larges portions des réserves alimentaires mondiales, accumulent les patentes alimentaires et les droits sur les autres parties de la chaîne alimentaire. Elles développent et introduisent des aliments transgéniques expérimentaux à large échelle, et si leurs désirs se réalisent, presque chaque aliment disponible sur le marché aura ainsi été modifié d'ici à quelques années. Chaque fois qu'un être humain n'importe où sur la planète voudra manger quelque chose, il lui faudra payer des droits à ces grandes multinationales. [ Commentaire venu du public: Comme le dit Monsieur Jeanot Minla Mfou'ou, du Cameroun, la société doit maintenant choisir: profit pour quelques-uns, ou nourriture pour tous. ]
Ne sommes-nous pas protétégés par l'O.M.S. et le gouvernement ?
La plupart des gens, nous l'avons dit, ne savent pas grand-chose de la situation actuelle. lls estiment que les autorités ne laisseront pas passer quoi que ce soit de trop dangereux. En Suisse, la législation est plus stricte que dans la plupart des pays européens, et il semble qu'il n'y ait pas d'aliments modifiés génétiquement sur ce marché actuellement. On a parlé d'un enzyme modifié utilisé pour la fabrication du fromage, mais celui-ci aurait été interdit.
D'autres pays ont moins de chance. La France doit s'aligner avec la communauté européenne, qui s'ouvre actuellement à ces nouveaux aliments. Aux Etats-Unis, qui est l'un des principaux leaders dans le génie génétique, les choses vont très vite aussi. En Chine, la plupart des dirigeants, avec beaucoup de bouches à nourrir et une préoccupation moindre pour l'environnement, semblent vouloir utiliser tous les expédients et sont largement influencés par les multinationales de la biotechnologie; ils avancent donc rapidement dans la même direction. Les produits transgéniques déjà sur le marché dans différents pays incluent le soja, les tomates, la levure, les produits laitiers et l'huile de colza.
La question de l'étiquetage
La situation relativement sûre de la Suisse en ce moment ne doit pas tromper : renonceront-ils à importer ? Difficile. Et on sait qu'une bonne partie des Suisses font leurs emplettes en France ou en Allemagne.
Le grand problème en termes de législation et de protection des consommateurs reste les énormes intérêts financiers et politiques derrière le génie génétique. L'une des grandes préoccupations des multinationales de la biotechnologie actuellement est d'empêcher que ses aliments modifiés ne soient étiquetés «manipulés génétiquement», de peur de voir les consommateurs s'en détourner.
La question de l'étiquetage des aliments est placée sous la responsabilité du Codex Alimentarius, un comité mis sur place par l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation Mondiale de la Santé. Un tel comité, bien qu'indépendant en théorie, n'est bien sûr pas à l'abri des pressions puissantes de l'industrie et des gouvernements comme ceux des Etats-Unis, de la France, de l'Australie ou de la Grande-Bretagne qui ont de grands intérêts dans le génie génétique.
Lors de la conférence Codex de mai dernier à Ottawa au Canada, les délégués de ces gouvernements ont tenté de faire accepter pour les aliments transgéniques l'étiquetage «biologique» ou «naturel» Heureusement, quelques militants écologistes plus une petite poignée de journalistes et de scientifiques ont eu vent du but véritable de cette conférence, gràce à quoi une majorité des délégués s'est finalement prononcée contre, ce qui signifie que, dans le futur proche, au moins les aliments issus de l'agriculture biologique seront sans risque.
Les délégués favorables à l'industrie biotechnologique ont cependant réussi à retarder toute décision concernant l'étiquetage des produits modifiés, ce qui fait que dans les 2, 3 ou 4 années à venir il sera impossible au consommateur de savoir si les aliments qu'il ou elle choisit sont tels que la nature les a voulus ou non. D'un point de vue moral comme d'un point de vue juridique, il s'agit d'une atteinte grave au droit pour les consommateurs à savoir ce qu'ils mangent et font manger à leurs enfants. Il s'agit aussi d'un danger pour la santé, car sans étiquetage approprié, il sera très difficile de trouver la cause de maladies éventuelles causées par ces produits modifiés. Dans le cas du tryptophan mentionné plus haut, des morts et des paralysies à vie auraient probablement pu être évitées si l'on avait pu déceler plus rapidement la source des empoisonnements.
Face à l'inquiétude grandissante du public informé, les tenants du génie génétique affirment que les agences gouvernementales sont là pour assurer le meilleur intérêt du public. Malheureusement, on sait que dans le passé des produits comme le DDT et la Thalidomide ont été «scientifiquement agrées» et encouragés par les autorités, avec des conséquences tragiques. En Grande-Bretagne, le Ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation n'a pas hésité à publier des données factuellement inexactes pour "rassurer" le public qui commence à demander des explications quant aux manipulations génétiques. Dans des tests effectués aux Etats-Unis, il a été constaté que 80% du lait de supermarché contient des traces d'antibiotiques ou autres substances qui sont pourtant illégales.
Impliquées dans les enjeux financiers et politiques, les agences régulatrices ne protègent pas les consommateurs au mieux. C'est pourquoi il est nécessaire, insiste le professeur Fagan, d'interdire les aliments modifiés et dans un premier temps d'exiger leur étiquetage.
Quelle conclusion? Suite et fin de la conférence : Des alternatives existent